dimanche 1 janvier 2012



        J'aurais voulu m'enfuir. Redresser mes épaules, soulever la couverture, poser un pied devant l'autre et puis accélérer. J'aurais voulu ouvrir la fenêtre pour voler loin dans la nuit. Tu prenais tout mon air, tu prenais tant de place. J'aurais voulu te jeter dehors pour enfin respirer, te dire que je n'en pouvais plus, que je n'en voulais plus. Il était déjà tard, et je scrutais les chiffres de mon réveil. Pour la première fois depuis longtemps, ils avaient décidé de me narguer. Chaque minute était un pas de plus dans la paralysie que tu faisais grandir en moi. Impossible de partir, impossible de sortir de ces draps-là. Il y avait cet espoir infime, que tu pourrais te retourner, que tu pourrais me regarder, que tu pourrais m'expliquer. Une part de moi s'accrochait à ça, elle écoutait les moindres variations de ton souffle, guettant le bruit de chacun de tes mouvements. C'est drôle tu vois, parce que ce n'était qu'une toute petite part de moi. Minuscule, presque insignifiante. Presque? Pas suffisamment en tout cas pour que je ne décide enfin à m'en aller. Pourtant c'est ce dont tout le reste de mon corps me suppliait, " vas-t-en. Laisse-le."

        C'est là que j'ai compris. Au cours de ces putains d'heures d'insomnie. Parfois on croit avoir réussi, on croit avoir été fort, on croit avoir su tout contrôler et puis brusquement on se rend compte qu'il y a encore des failles. Elles sont bien là, et sortent de leur cachette en détruisant tout ce que l'on pensait avoir protégé, tout ce que l'on pensait avoir sauvé. Tu me devais encore trop pour que ça arrête de faire mal. J'ai cru pouvoir m'en passer, j'ai cru que ce serait plus sage, plus respectueux, plus sûr pour nous deux. Un jour tu m'entendras te dire tout ce que j'ai su taire jusqu'ici. Un jour je te les arracherai des lèvres ces explications. Un jour je te ferai dire que c'était une erreur, et que tu donnerais tout pour ne l'avoir jamais commise. Je ne veux plus te voir faire semblant, je ne veux plus que tu te caches derrière ton silence. Fini les acrobaties pour éviter le sujet. Fini les mauvaises excuses. Ose. S'il te plaît, ose me dire que tu ne fais que jouer ou bien montre moi que dans tout cela il y a au moins un peu de vrai. Fais quelque chose, dis quelque chose. Je ne veux plus me tromper et croire naïvement que je m'en suis sortie.

        Oui j'aurais voulu m'enfuir. M'enfuir pour ne pas avoir à me retenir de te cracher à la figure tout ce goût d'inachevé que tu as laissé. J'aurais voulu m'enfuir pour ne plus avoir à te connaître, pour ne plus revoir en boucle la réaction de ta mère. J'aurais voulu m'enfuir et revenir au moment ou tu n'étais pas là. A celui où j'avais encore mon écharpe sur moi, celui où tu n'avais pas encore volé cette infime partie de ce que je suis. J'aurais voulu pendant un instant ne plus savoir qui tu étais et n'avoir jamais entendu la mélodie de Don't let me fall parcourir ta chambre. J'aurais voulu que tu ne sois pas venu, que tu ne sois pas allongé là, j'aurais voulu ne pas avoir à me coucher ce soir au même endroit. Et pendant tout ce temps, je t'ai haï d'avoir dormi si paisiblement.

3 commentaires:

Manon a dit…

" You can spend minutes, hours, days, weeks, or even months over-analyzing a situation; trying to put the pieces together, justifying what could’ve, would’ve happened… or you can just leave the pieces on the floor and move on. "

Je sais combien il est difficile de couper les ponts, combien ça l'est tout autant de demander des explications et aussi combien hésiter entre les deux, rester ainsi à se demander, à souffrir, eh bien, ça l'est encore plus.
On a pas des tas de solutions qui s'offrent à nous, de même que tu ne peux pas prétendre toujours que ça ira. C'est trop facile de sourire Célio, trop facile de rester coincée, trop difficile de bouger. Alors, reste autant que tu veux, sors quand tu pourras sortir, ne sois pas effrayé à l'idée de souffrir encore. Chaque souffrance vaut quelque chose. Et surtout, à chaque souffrance, on est là pour toi.

Célio a dit…

Moi je veux bien " leave the pieces on the floor and move on" . J'aimerai juste être sûr que ca y restera sur le sol. Oh oui, je sais que tu sais ce que c'est. Tu as eu de la chance à la fin. J'espère avoir été autant là que tu ne l'es pour moi <3

Blanche a dit…

Ton blog est génial, ton texte est magnifique ♥